Emile Chouriet: Ice Cliff

Il est étonnant de constater que le thème de la montagne, qui fait pourtant partie intégrante de la culture suisse, est rarement abordé par les marques horlogères. Certes, ici et là, des montres sont associées aux équipes de secours en montagne et d'autres ont accompagné des alpinistes dans leurs exploits. Mais très peu ont utilisé le potentiel esthétique lié aux massifs et pics qui définissent le paysage typique de carte postale de la Suisse. Le paradoxe est que c'est une jeune marque genevoise, Emile Chouriet, fondée en 1998, qui parvient à proposer une montre convaincante et réussie inspirée par la conquête des Alpes Suisses. Comme quoi, il n'est pas nécessaire d'habiter dans les hauteurs pour ressentir l'ivresse des sommets! L'observation des chaînes de montagne qui entourent le lac peut suffire à donner l'étincelle créatrice!


La grande force de l'Ice Cliff est de posséder sa propre identité et d'être reconnaissable au premier coup d'oeil ce qui n'est jamais chose aisée dans le paysage horloger actuel. Cette caractéristique appréciable est due au cadran qui mélange avec bonheur force et délicatesse. Son originalité provient du large rehaut anthracite qui plonge sur le cadran par le biais d'avancées qui évoquent des pics escarpés. De fait, il contribue à donner un spectaculaire effet de relief ainsi que du caractère. Ces pointes sont agressives, aiguisées et la façon avec laquelle elles progressent sur le cadran apporte une dose d'énergie et de force. Mais il y a une deuxième façon de les considérer et c'est toute la magie de ce cadran. Si j'oublie le rehaut et me concentre sur la partie centrale argentée, je me rends compte que la forme ainsi dessinée par les pointes évoque un flocon de neige. La montre oscille donc en permanence entre cette vision pleine de fragilité et de délicatesse et la puissance du rehaut ce qui en fait une grande partie de son intérêt.

La minuterie est discrètement positionnée sur le rehaut mais elle laisse le premier rôle aux index des heures qui utilisent généreusement les espaces crées par les pointes. Quatre de ces espaces sont occupés par des chiffres romains en relief et par le guichet de date. S'ils sont joliment exécutés, ce sont bien les huit autres espaces qui sont les plus intéressants à observer. Les index des heures de ces espaces sont composés de longs bâtons luminescents apposés sur des sommets teintés de jaune qui renforcent l'atmosphère alpine de la montre. 


L'ensemble est visuellement surprenant et selon l'humeur du moment, je peux trouver ce cadran très masculin mais également plutôt précieux et délicat. Dans ce contexte, la typographie particulière du nom de la marque se fond aisément sur le cadran ce qui n'était pas simple de prime abord: les caractères gothiques font rarement bon ménage sur les cadrans. Le guichet de date s'insère lui aussi efficacement même s'il est positionné un peu trop proche du centre. Cependant, cela ne se ressent pas compte tenu du rehaut et de la présence d'une esquisse du III romain à ses côtés. Enfin, les aiguilles principales, elles aussi inhabituelles, reprennent le motif des index des heures avec un long trait noir positionné sur une zone luminescente. Elles indiquent ainsi le temps avec cohérence et en harmonie avec les index.

Si le cadran est l'élément différenciant de l'Ice Cliff, le boîtier n'en demeure pas moins intéressant. Il n'est certes pas aussi original mais son design est abouti. J'y vois une légère inspiration "Genta-esque" avec la base de sa lunette à pans et le protège-couronne proéminent. Cependant, à aucun moment, il ne tombe dans la caricature et surtout il complète idéalement le cadran compte tenu de son approche discrète et sobre. Son diamètre de 40mm est adapté du fait de l'atmosphère de l'Ice Cliff. Je ne pouvais pas imaginer une montre évoquant les sommets avec un diamètre ridicule mais sa taille la rend aussi portable pour les poignets plus modestes. Deux types de bracelets sont disponibles: l'un en textile noir qui met en valeur les pièces de bout imposantes ou l'autre en acier qui s'intègre parfaitement  dans le design général et que je recommande.


Le fond transparent du boîtier permet d'observer le mouvement qui équipe l'Ice Cliff. Il s'agit sans grande surprise d'un calibre ETA2824 à la fréquence de 4hz et à la réserve de marche d'un peu moins de 40 heures. Extrêmement répandu, fiable et à l'excellente efficacité au remontage, il est un compagnon de cordée parfait pour l'Ice Cliff. Sa finition est ici brute de décoffrage ce qui n'est pas gênant compte tenu du style de la montre et surtout de son prix, très attractif. J'aurais pourtant préféré un fond plein, peut-être mieux adapté à la polyvalence de la montre.

Le bilan de l'Ice Cliff est donc extrêmement positif. Emile Chouriet est parvenu à créer une montre à la fois élégante et racée, masculine et raffinée. Le rendu visuel du cadran attire le regard instantanément et en est le principal atout. Cette montre est bel et bien une excellente nouvelle pour cette jeune marque: elle possède enfin son porte-drapeau qui peut contribuer à son développement. Et pourquoi pas en France? Car pour l'instant malheureusement, l'Ice Cliff n'est pas disponible dans notre beau pays. D'un autre côté, cela donne une bonne raison de se déplacer en Suisse pour profiter de façon combinée d'un séjour à la montagne et de la montre qui rend hommage aux sommets enneigés. 


L'Ice Cliff est disponible aux prix de 1.120 CHF avec le bracelet textile noir et de 1.200 CHF avec le bracelet en acier.

Les plus:
+ une montre polyvalente tant du point de vue esthétique que du point de vue fonctionnel (étanchéité de 50 mètres)
+ la présentation et la finition du cadran, ce dernier étant une réussite esthétique
+ un mouvement sans histoire
+ le prix que je trouve attractif pour une montre au design particulier

Les moins: 
- un fond plein m'aurait semblé mieux adapté
- la réserve de marche du mouvement est un peu courte