Alexandre Meerson: Altitude Première Petite Seconde

Il faut une sacrée dose de courage pour lancer une nouvelle marque dans un marché horloger déprimé. C'est pourtant le pari d'Alexandre Meerson qui a profité du SalonQP 2014 pour lancer sa collection de montres qui s'articule autour de deux modèles: l'Altitude Première et l'Altitude Officier. La volonté d'exprimer ses propres idées, de rendre concrets ses projets était bien plus forte que l'appréhension due à un contexte économique difficile. Et puis, une telle démarche se trouvait inscrite dans ses gènes puisque son père avait débuté son activité de création de montres et de joaillerie dans les années 50. Alexandre Meerson s'est ainsi donné les meilleures chances de perpétuer la tradition familiale avec succès en sélectionnant rigoureusement ses partenaires et en consacrant beaucoup de soin dans l'approche esthétique de ses montres. Car pour rajouter de la difficulté, le créneau initial et fondamental d'Alexandre Meerson est celui de la montre simple et élégante au contenu horloger solide.

L'Altitude Première Petite Seconde en or rose (la montre photographiée est le prototype porté par Alexandre Meerson depuis plusieurs mois):


A vrai dire, je ne connais pas d'exercice plus délicat que celui qui consiste à dessiner une montre à deux ou trois aiguilles raffinée. Elle offre finalement moins d'opportunités de se distinguer et le créateur doit toujours oeuvrer avec subtilité pour réussir dans son entreprise. De plus, ce segment est on ne peut plus encombré, notamment par des acteurs majeurs de l'horlogerie qui, sur la force de leurs noms, peuvent séduire une clientèle captive.

En fait, la présentation de ses premières montres a permis à Alexandre Meerson d'adresser plusieurs messages à l'attention du marché et des amateurs d'horlogerie traditionnelle:
  • la volonté n'est pas de présenter une ou deux montres mais bien de bâtir une marque. A ce titre, les Altitude regroupent certains traits esthétiques qui contribuent à définir l'identité de cette marque.
  • si les montres sont de prime abord classiques, elles comportent plusieurs détails originaux comme notamment les attaches du bracelet.
  • l'offre se veut volontairement exclusive avec une collection inaugurale qui ne dépassera pas les 249 montres.
  • un certain degré de personnalisation est disponible puisque plusieurs configurations de matériaux, complications, couleurs de cadran sont possibles. Le matériau de la lunette peut même être différent de celui du boîtier.
  • les mouvements automatiques qui animent les Altitude proviennent de chez Vaucher ce qui leur confère un intérêt horloger certain et une garantie de pérennité.
  • enfin, la grande force des Altitude est le soin apporté aux détails.


L'Altitude Première Petite Seconde illustre avec justesse la démarche d'Alexandre Meerson. Ce qui surprend au premier coup d'oeil est la forme des attaches de bracelets. Les amateurs de montres Vintage ont déjà vu des attaches similaires mais elles se font extrêmement rares dans le contexte d'aujourd'hui. Elles ont plusieurs vertus. Elles donnent l'impression que le bracelet possède une forme particulière ce qui n'est pas le cas puisqu'un bracelet classique aux dimensions adaptées fait l'affaire. Elles améliorent le confort au porter grâce à la liberté de rotation qu'elles donnent au bracelet. Et elles parachèvent le design du boîtier en renforçant sa "circularité". Ces attaches jouent sur le contraste entre leur aspect très géométrique et la forme du boîtier. Elles ne s'inscrivent d'ailleurs pas dans la continuité du boîtier et cette nette rupture esthétique était recherchée pour mettre en valeur la partie centrale de la montre. Enfin, lorsque l'Altitude Première est observée de profil, les attaches évoquent alors la forme du pied d'une danseuse en train de faire une pointe. Une petite coquetterie discrète et bien dans l'esprit de la collection.


Le boîtier en or rose 4N d'un diamètre d'un 41mm est plus complexe qu'il n'en a l'air au premier coup d'oeil. La lunette surélevée crée une sorte de godron et apporte une touche de caractère. La forme du fond est aussi intéressante à analyser. La partie centrale au contact de la peau, est ovale et incurvée  afin d'améliorer le confort. Elle permet par la même occasion de profiter d'une jolie alternance de poli et de brossé.

Le cadran offre une combinaison traditionnelle d'index bâton et d'aiguilles dauphine. Traditionnelle? Pas tant que cela finalement puisque quelques surprises se cachent ici et là. Le 12 à son sommet pour commencer. Ses formes évoquent celles des attaches du bracelet mais surtout le 2 apparaît comme un Z stylisé. Ce n'est évidemment pas un hasard puisque il s'agit de la première lettre du second prénom d'Alexandre Meerson. Les index appliqués, biseautés, longs et fins jouent un double rôle. Ils contribuent nettement à la qualité perçue de la montre et ils atténuent la perception de la taille du boîtier en se rapprochant du secteur de la trotteuse. 

Une autre atmosphère avec la version en titane:


Je considère cette dernière comme trop proche du centre, signe que le mouvement est un peu petit pour le boîtier. C'est sur ce modèle à petite seconde que cela se remarque le plus puisque les chiffres périphériques de l'Altitude Officier et l'absence de trotteuse des autres Altitude Première gomment ce sentiment.

L'autre surprise d'importance proposée par le cadran est la paire d'aiguilles dauphine asymétriques. Typiques de la marque, elles se distinguent par le contraste mat/brillant qui les rend plus présentes et qui améliore la lisibilité. Il faut avouer que le résultat est très convaincant car cette lisibilité est obtenue sans dénaturer l'harmonie chromatique de la montre. L'ensemble apparaît donc comme pur et élégant, sans anicroche. J'apprécie également les dimensions raisonnables du nom de la marque sur le cadran. Les nouvelles marques ont tendance à trop vouloir se mettre en avant et à effectuer une sortie de piste sur le circuit du bon goût.


Compte tenu de l'habillage de qualité et de l'esthétique harmonieuse, Alexandre Meerson ne pouvait se permettre d'utiliser un mouvement standard. La volonté n'était pas non plus d'apparaître comme une nouvelle manufacture. Les Altitude et notamment cette Altitude Première Petite Seconde sont animées par un mouvement automatique Vaucher d'une fréquence de 4hz et d'une réserve de marche d'une cinquantaine d'heures. Portant le nom d'AM4808 dans ce contexte, il se distingue par sa finesse (3,7mm) ce qui a permis de donner un style élancé au boîtier. De plus, il utilise deux barillets dont la finalité n'est pas d'augmenter la réserve de marche mais d'obtenir un meilleur couple et une chronométrie plus stable. Son efficacité au remontage est excellente et, en dehors de son diamètre de 25,6mm trop limité dans ce boîtier, il se révèle être un moteur idéal pour l'Altitude Première. Sa finition est à l'image du reste de la montre: simple et raffinée, sans effet tape à l'oeil. Peut-être aurais-je préféré un peu plus d'audace au niveau du rotor qui ne se détache pas assez par rapport à la platine et aux ponts du mouvement.


Pour les raisons évoquées précédemment, le confort au porter de l'Altitude Première Petite Seconde est irréprochable. La montre se positionne bien sur le poignet grâce au fond légèrement incurvé et à la flexibilité du bracelet au niveau des attaches. Elle dégage une impression un peu paradoxale mais qui explique son intérêt: elle est à la fois très présente tout en demeurant assez contenue visuellement. La forme des attaches  y est évidemment pour beaucoup mais la cohérence et la maîtrise stylistique dont a su faire preuve Alexandre Meerson en sont les principales causes.

Je fus donc très séduit par cette Altitude Première Petite Seconde et de façon plus globale, par la collection inaugurale d'Alexandre Meerson. S'attaquant à un exercice de style très difficile, celui de la montre simple et habillée, il réussit grâce à la qualité de l'exécution et des finitions à proposer des pièces convaincantes. Mais au final son plus grand atout demeure la maturité de l'approche stylistique qui parvient à trouver le subtil équilibre entre classicisme et détails plus originaux.


Les montres Alexandre Meerson sont en vente en France au Bon Marché Rive Gauche.

Merci à Alexandre Meerson pour sa disponibilité au SalonQP et lors de la présentation au Bon Marché.

Les plus:
+ une qualité d'exécution irréprochable
+ la subtilité des détails de finition du cadran, des aiguilles et du boîtier
+ le confort au porter
+ les performances et l'efficacité du mouvement Vaucher

Les moins:
- le mouvement est un peu petit pour un boîtier de 41mm et cela se ressent sur le positionnement de la petite seconde
- j'aurais aimé une approche décorative plus poussée au niveau du rotor