Artya: Son of a Gun Roulette Russe

Les balles et autres cartouches sont décidément un thème inépuisable pour Yvan Arpa! Au fil des années, grâce à son imagination fertile et à sa capacité à créer des montres singulières à forte identité, il a fait de la collection Son of a Gun la pierre angulaire du catalogue Artya. Courtes, longues, gravées ou serties, les balles sont devenues de véritables éléments de décoration qui tout en apportant une petite touche de provocation et d'excitation, rappellent la fatalité du temps qui passe.

La Son of a Gun Roulette Russe reste dans une ambiance similaire. Cependant, elle représente incontestablement un jalon important dans l'histoire d'Artya  car comportant 3 nouveautés significatives qui vont influencer les futurs projets d'Yvan Arpa.


La première de ces nouveautés est le boîtier qui tranche radicalement avec le style habituel de la marque: plus fin, plus élancé, marqué par une lunette inclinée et par un protège-couronne proéminent, il symbolise une incursion dans une dimension plus habillée et élégante. Les lignes sont à la fois fluides et pures avec un rendu très lisse. Le large anneau qui caractérise la forme traditionnelle des boîtiers Artya semble bien loin! Grâce à ce nouveau boîtier (d'un diamètre de 44mm dans le cadre de la Roulette Russe mais également disponible avec un diamètre de 42mm), Yvan Arpa élargit significativement le nombre de combinaisons offertes par les différents composants de ses montres car toutes les animations, les matériaux et les décorations de cadran seront également disponibles dans ce contexte plus formel. En revanche, je pense que l'aspect très sage de ce boîtier ne le rend pas esthétiquement compatible avec tous les cadrans de la collection actuelle. L'audace de certains constituerait un contraste beaucoup trop fort.

Les capacités de S2C, le centre de production d'Yvan Arpa situé en plein centre de Genève, lui permettent également de travailler la modularité du boîtier: que ce soit avec un revêtement PVD noir ou avec la pose d'inserts en or ou en acier, il se prête sans problème au jeu de la transformation pour élargir encore plus la palette esthétique à disposition de la clientèle. Il s'agit ici du principal atout d'Artya: au-delà de son originalité, la probabilité de posséder une montre identique à celle d'un autre client est quasi-nulle!


La deuxième nouveauté est liée à la mise en scène du cadran. Cela devait finir par arriver! Après tout, ce n'est pas la première fois qu'Yvan Arpa utilise des éléments rotatifs. En un sens, c'est presque logique de retrouver ce thème de la roulette russe. J'imagine même que cela devait le titiller depuis un certain temps.  La résultat est là: la Son of a Gun est, si l'on peut dire, une montre à double-barillet d'un genre nouveau! Elle combine en effet le barillet du mouvement avec le barillet du cadran, le premier étant visible à travers les chambres du second! N'espérez cependant pas observer les éléments du mouvement en toute quiétude: le barillet du cadran est d'une très grande sensibilité tournant dans les deux sens au moindre mouvement. Je parle souvent d'animation de cadran, dans ce cas précis, je suis servi!

Les 6 chambres sont cependant suffisamment larges pour dévoiler les entrailles de l'Unitas qui anime la Son of a Gun Roulette Russe. Car telle est la troisième nouveauté: l'utilisation d'un nouveau mouvement chez Artya. Même s'il est loin d'être exclusif, l'Unitas n'en possède pas moins de nombreux atouts. Fiable et éprouvé, d'une large diffusion, la question de sa pérennité ne se pose même pas. Sa grande taille est adaptée aux boîtiers imposants et le rend propice à l'exécution d'un squelettage contemporain: les principaux éléments du mouvement sont ainsi  mis en valeur en se détachant de façon très nette. Côté cadran, le barillet, l'organe régulant dans son ensemble, y compris la roue d'échappement, apparaissent et disparaissent au gré des mouvements du barillet. Côté ponts, l'Unitas a subi une forte cure d'amaigrissement qui donne l'impression que seul le strict nécessaire demeure. Il présente ainsi un style léger, presque aérien qui est très agréable à observer. La roue de couronne est évidée et j'apprécie particulièrement le rappel du barillet du cadran à travers le rochet. Le pont du balancier n'est plus qu'une fine structure et le contraste entre la finition noircie des ponts (à l'image du barillet) et les couleurs des éléments mobiles est très agréable. 


Bien évidemment, même si cet Unitas n'a aucune prétention technique ou décorative de haut niveau, la qualité de sa présentation confère à la Son of a Gun Roulette Russe une dimension horlogère qui n'est pas négligeable. En tout cas, compte tenu de l'incessant mouvement du barillet du cadran, le choix d'un mouvement à remontage manuel est judicieux car la présence d'une masse oscillante aurait alors provoqué le tournis. Le rituel du remontage manuel quotidien (la réserve de marche se situe autour de 46 heures) pourrait alors s'apparenter au chargement du barillet... d'un pistolet!

Oui mais voilà: seule une cartouche est logée dans le barillet, une cartouche porte-bonheur comme l'indique le chiffre 8. Réalisée en ArtyOr, un alliage breveté d'or, de cuivre et de zinc en provenance d'authentiques cartouches pour les deux derniers matériaux, elle apporte une touche de couleur sur le cadran tout en se mariant avec les aiguilles. Cette cartouche est paradoxale: symbole de violence et d'agressivité, elle constitue au contraire l'élément raffiné de la montre.


La Son of a Gun Roulette Russe est une des Artya les plus faciles à porter: moins radicale, elle profite du confort du nouveau boîtier. Sa lisibilité demeure satisfaisante grâce au contraste entre les aiguilles et le barillet. Elle reste cependant approximative du fait de l'absence d'index ou de repère.  Une fois mise au poignet, j'ai pris du plaisir à suivre le parcours de la cartouche porte-bonheur. Yvan Arpa est donc arrivé à trouver le ton juste avec cette montre. Elle permet à sa marque de présenter une pièce plus habillée qu'à l'accoutumé tout en conservant certains détails originaux ainsi que la petite touche de provocation sans laquelle Artya ne serait plus... Artya.

Merci à Yvan Arpa pour son accueil.

Les plus:
+ l'idée du barillet du cadran et de la cartouche porte-bonheur
+ la présentation du mouvement
+ le plaisir du remontage manuel
+ les inserts du nouveau boîtier qui lui donne du peps

Les moins:
- le diamètre imposant
- la lisibilité approximative en raison de l'absence d'index