Audemars Piguet: Tradition Tourbillon Répétition Minutes Chronographe

Au sein de la très discrète collection Classique d'Audemars Piguet, les montres Tradition ont pour but de démontrer le savoir-faire horloger de la Manufacture du Brassus dans le contexte d'un boîtier de forme coussin en platine, d'index appliqués et d'aiguilles cathédrale inspirés par la montre réalisée pour John Schaeffer au début du siècle dernier. Les premières Tradition, l'Extra-Plate et le Calendrier Perpétuel furent dévoilées en 2009 et se distinguèrent par leur taille (43mm pour la montre 2 aiguilles, 47mm pour la montre compliquée), leurs boîtiers de caractère et la très belle qualité des finitions. Elles furent suivies par la Tradition Calendrier Perpétuel Répétition Minutes. Le SIHH 2013 donne l'occasion de découvrir la dernière représentante de cette collection: la Tradition Tourbillon Répétition Minutes Chronographe.


Dès le premier coup d'oeil, cette Tradition rappelle la Jules Audemars équivalente. En effet, l'organisation du cadran est similaire: le Tourbillon à 6 heures et le compteur des minutes du chronographe à 3 heures. Je dois avouer que je n'ai jamais  été un grand fan de ce type de cadran. Il me donne d'abord un sentiment de déséquilibre, comme si un élément manquait sur la partie gauche. De plus, la taille de l'ouverture du Tourbillon donne l'impression de rendre le compteur des minutes encore plus petit qu'il n'est. D'un autre côté, cette sensation d'asymétrie forge le caractère de la montre et lui apporte une certaine originalité.

Avec un diamètre de 47mm, j'aurais pu craindre que le cadran comporte une trop grande zone vide. Heureusement, l'ouverture du cadran demeure limitée en raison de l'épaisseur de la lunette. La taille des chiffres appliqués permet également de compenser en partie l'absence d'indicateur à gauche.


Le grand atout de la Tradition demeure son exécution sans faille. La finition du cadran est parfaite et c'est un vrai régal que d'observer les aiguilles en or rose survoler les index appliqués du même métal. Ces derniers contribuent fortement à la qualité perçue grâce à leur relief, leurs formes et leur beauté. J'aime beaucoup le jeu de couleurs très élégant entre le gris argenté satiné du cadran et l'or rose des aiguilles et index. Une fine minuterie à chemin de fer parcourt la périphérie du cadran et souligne la forme du boîtier. Elle permet aussi de réduire la taille ressentie car elle occupe la partie comprise entre les index et la lunette.

Le Tourbillon est très classique dans sa mise en scène mais interprété de façon irréprochable. J'apprécie notamment la finition du pont. Audemars Piguet a cependant positionné au-dessus du Tourbillon une trotteuse en or rose qui ne me semble pas indispensable car la cage effectue une rotation par minute. La graduation autour de l'ouverture pouvait être aussi évitée.


Le verrou situé sur la gauche trahit la présence de la Répétition Minutes. Le verrou, tout comme les poussoirs du chronographe à droite, s'active sans problème pour lancer le mécanisme de répétition. Le son obtenu, joué sur deux timbres, est pur mais pas d'un très grand volume. Il faut dire que le platine n'a jamais été le meilleur matériau pour une montre sonore, quelle qu'elle soit. Cependant, Audemars Piguet à travers les équipes de Renaud & Papi a travaillé sur l'isolation sonore du mécanisme et j'ai trouvé qu'il y avait moins de sons parasites qu'avec la Jules Audemars équivalente.

Le mouvement à remontage manuel qui équipe cette Tradition est le calibre 2874 dont la fréquence est de 3hz et la réserve de marche de 48h. Il s'agit d'un mouvement de facture traditionnelle mais parfaitement exécuté. Chaque mécanisme de complication se distingue nettement: les gongs autour du mouvement, les marteaux en arrière plan et les pièces du chronographe au premier plan. Chaque élément est fini avec beaucoup de soin comme le prouvent la qualité des anglages, les alternances entre traits tirés, traits brouillés et perlage. Les 504 composants créent un ensemble complexe mais raffiné où la subtilité de la décoration est mise en valeur par la très grande maîtrise des horlogers de Renaud & Papi. Le mouvement n'est pas seulement beau à observer, il est également efficace car j'ai pu apprécier l'efficacité du déclenchement du chronographe bien aidé en cela par la forme des poussoirs.


La Tradition Tourbillon Répétition Minutes Chronographe est une montre paradoxale. Une fois mise au poignet, elle surprend par la simplicité de son cadran alors qu'elle héberge 3 complications majeures. La présence d'un seul sous-cadran, Tourbillon mis à part, renforce ce sentiment. Le verrou reste discret le long de la carrure gauche et je ne peux pas dire que les poussoirs soient très proéminents. Audemars Piguet a joué la carte de la discrétion, c'est un très bon point mais qui est plus ou moins imposé par la taille du boîtier: 47mm, même avec une ouverture du cadran mesurée, cela reste un gabarit imposant. La forme du boîtier, son poids, l'épaisseur de la lunette, la présentation asymétrique du cadran confèrent à la Tradition un certain côté radical voire excessif alors qu'elle est sensée incarner l'horlogerie classique dans ce qu'elle a de plus exclusif. Ce contraste peut surprendre mais en fin de compte, c'est lui qui crée tout l'intérêt de la pièce.


Une nouvelle fois, Audemars Piguet et Renaud&Papi démontrent leurs talents dans la mise en oeuvre et dans la finition d'un mouvement compliqué. La Tradition Tourbillon Répétition Minutes Chronographe est une montre impressionnante par son contenu horloger. Le contenant prête plus à discussion mais il possède au moins la vertu de définir son caractère unique. Cette Tradition ne laisse pas indifférent et se distingue ainsi nettement de la Jules Audemars équivalente.

Un grand merci à l'équipe Audemars Piguet pour son accueil pendant le SIHH 2013.